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iZotope Neutron 5 : l'IA qui inquiète les ingénieurs du son

Ni le premier, ni le dernier corps de métier à s'inquiéter

Si vous n'avez jamais entendu parler d'iZotope, c'est assez normal : ce n'est pas vraiment une entreprise dont les solutions visent le grand public. Fondée en 2001 aux États-Unis, iZotope produit des logiciels et plug-ins audio à destination des professionnels du son : producteurs, musiciens, ingénieurs du son... Très reconnue dans le milieu, ses outils sont des références, utilisés par de nombreux professionnels de par le monde pour masteriser, mixer, restaurer, ou bidouiller des sons ou des productions audio multipistes. Parmi ses produits phares, Neutron, dont la dernière mouture, Neutron 5, vient de sortir. Et les retours des professionnels du milieu sont... ambigus, au minimum.

En cause, les fonctionnalités d'IA apportées par le logiciel, en net progrès depuis la version précédente, et permettant un niveau d'optimisation dans le travail rarement vu. En effet, Neutron 5 en tant que logiciel et suite de plug-ins, propose aux ingés son une solution logicielle permettant de mixer des productions, en particulier dans le domaine musical. L'ennui, c'est que l'IA se propose purement et simplement de faire le mixage à la place de l'ingénieur. Il est ainsi possible de demander à l'IA de Neutron de gérer automatiquement le réglage de chaque piste individuellement (eq, compression, densité, etc.) et les unes par rapport aux autres et de faire automatiquement la balance. L'IA écoute les pistes, apprend, et adapte ses réglages en fonction. En quelques minutes, votre morceau de musique est intégralement mixé, pratiquement prêt à diffuser.

La fonctionnalité n'est pas tout à fait neuve, le "Mix Assistant" était déjà présent dans la version précédente de Neutron, et même dans la version 3. Mais elle atteint un degré de maturité, de puissance, et donc d'automatisation tel que "l'assistant" se trouve en position de prendre le contrôle du mix.

Bien sûr, il y a des limites à tout ça. Il reste globalement nécessaire d'avoir des connaissances en technique de l'audio pour prendre en main l'IA. Il reste utile, voire nécessaire, de faire appel à l'oreille avisée d'un professionnel après coup pour vérifier et apporter des ajustements après coup. Surtout, le mixage audio est autant un art qu'une science. Il n'existe pas de vérité absolue sur ce qui constitue un "bon" mix. L'IA fait sa propre proposition, c'en est une parmi d'autres possibles. Là encore, l'oreille avisée d'un professionnel et sa capacité à proposer une alternative sera déterminante pour un résultat satisfaisant.

Reste que le principe inquiète, car l'IA est loin d'être mauvaise : sa proposition est, dira-t-on, "consensuelle". Le mix est moderne, attendu, conforme aux standards de l'époque. D'aucuns jugeront cela inadapté à ce qu'ils cherchent à obtenir sur leur morceau, ou pas dans leurs goûts, ou trop sage et dénué d'inventivité, mais le résultat est en tout cas digne de ce que certains professionnels peuvent proposer, en passant des heures à adapter chaque réglage de chaque piste audio. Et certains ingénieurs du son se demandent dès lors combien de temps ils vont garder leur travail dans ces conditions.

L'assistant devient l'ingénieur, et l'ingénieur devient l'assistant. Seulement voilà : un assistant, ça ne se paye pas au même prix qu'un ingénieur.

Le problème, de fait, ne concerne pas que les professionnels du son... des questions similaires se posent dans divers corps de métiers : traducteurs, copywriters, comédiens de doublage, graphistes, journalistes et même développeurs... l'IA ne les remplace pas (en tout cas, pas pour le moment), mais les gains de productivité promis par ces IA sont tels qu'un seul professionnel pourra bientôt abattre, en une journée, le travail de ce que faisaient 10 confrères autrefois. Dès lors se pose nécessairement la question de ce qu'il va advenir des 9 autres. Au delà de ça, avec l'IA apparaît une tendance à l'uniformisation... l'IA a par nature tendance à offrir un résultat "moyen", fruit de statistiques issus de données d'apprentissage les plus exhaustives possibles. Elle n'est pas particulièrement douée pour innover, prendre des initiatives, faire preuve de personnalité sans perdre en cohérence. Oui, mais elle est bon marché. Alors, si elle est "good enough", il n'est pas certain que tant de clients que ça voudront toujours payer prix d'or le package premium d'un vrai professionnel faisant tout à la main, quand la technique "IA drivée par un professionnel et juste quelques ajustements manuels à la fin" fait approximativement l'affaire.

Un ingé son s'essaye au mixage par IA. À 30:30, la réalisation qui fait mal. "I'm done. I'm being replaced by a plugin."

Beaucoup de gens se demandent donc si, dans 5 ans ou dans 10 ans, on leur confiera encore du travail en quantité suffisante pour subvenir à leurs besoins. Ou si on les aura à 90% remplacé par une version moyenne d'eux, moins parfaite et moins originale, mais dix fois moins chère (une licence de Neutron 5 coûte moins de 200€).

La question ne se pose peut-être pas encore immédiatement sous cette forme. Les outils doivent encore s'affiner et la prise en main se faire. Se posent aussi d'autres questions autour de l'IA, autour du copyright, de la responsabilité juridique en cas de pépin, etc. Mais Neutron 5 reste un cas d'école d'une question dont beaucoup de métiers ne vont pas pouvoir faire l'économie : comment s'adapter sans que le métier ne perde en qualité, et sans que la grande majorité des travailleurs ne se retrouvent au chômage. 

Voilà au moins une question à laquelle, pour l'instant, l'IA n'est pas capable d'apporter une réponse satisfaisante...

Écrit le :

Par :

everydai
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