En matière de création de musique "assistée" par l'IA, on a l'embarras du choix. Les plus connus sont Suno et Udio, qui sont moins de la "création assistée", que des générateurs automatiques de produit fini, basés principalement sur le prompting. Un peu plus intéressant, Stable Audio met l'accent sur la personnalisation, à défaut d'être le générateur le plus convaincant, mais il reste fondamentalement cela : un générateur. Aussi lorsque l'on découvre une IA qui ressemble davantage à un assistant à la composition, on se dit qu'il y a là du potentiel pour les musiciens amateurs (ou plus professionnels) qui cherchent à maintenir un processus créatif. Et c'est exactement ce que promet AIVA.
Créé par une société européenne basée au Luxembourg (il n'y en a somme toute pas tant que ça, des startups européennes dans le domaine), il met l'accent non pas sur la génération d'un produit fini sur la base d'un prompt, mais ressemble à une DAW ou à un séquenceur qui vous aiderait à produire un morceau. Contrairement à un Suno, il ne génère pas un morceau déjà produit, mais un genre de partition. C'est un peu comme s'il manipulait Ableton à votre place.
L'IA qui utilise un séquenceur à votre place... mais pas très bien
Vous commencez par lui indiquer un genre, il génère une progression d'accords, puis le reste du morceau à partir de cette progression. Vous pouvez ensuite modifier chaque aspect à volonté... sympa sur le principe, mais en pratique, le système montre immédiatement ses limites : une fois le morceau généré, chaque modification est laborieuse et vous vous rendez compte que l'IA vous a enfermé dans un morceau : la suite d'accord générée au début conditionnant tout le reste, vous avez finalement assez peu de contrôle, assez peu de degrés de liberté pour réellement composer. Le séquenceur en lui-même est minimaliste et peu utilisable, et l'IA ne vous sera pas d'une grande aide quand vous voudrez vous en servir pour modifier sa proposition de départ...
Alors que l'on espérait un outil d'aide à la composition qui nous laisse un contrôle quasi-intégral sur le morceau, et une IA qui nous serve d'assistant, Aiva semble finalement souffrir du défaut typique de la plupart des outils créatifs basés sur l'IA : l'IA fait une proposition, que l'on aime ou pas, mais si le premier jet n'est pas satisfaisant, il est ensuite très difficile de le modifier de manière à obtenir vraiment ce que l'on souhaite, à tel point que, si l'on a une idée un peu précise en tête, l'obtenir de cette manière risque de s'avérer plus long et plus pénible que de tout faire à la main. Et cela semble, pour le coup, autant la faute de l'IA elle-même (ou de la manière dont elle est implémentée), que du logiciel qu'elle est censée manipuler.
En fait, il manque une synergie correcte entre les deux facettes du produit.
C'est dommage parce que, par ailleurs, et même si l'interface de la DAW est assez minimaliste, l'outil est vite pris en main et il semble vraiment conçu dans l'esprit d'être un outil de création, avec notamment la possibilité d'importer un MIDI pour servir de base, ou bien d'exporter le résultat en MIDI...
Une source d'inspiration potentielle... mais avait-on vraiment besoin d'IA pour ça ?
Et en définitive c'est peut-être là le seul moyen raisonnable d'utiliser AIVA : créer une base avec, pour avoir rapidement quelques pistes, puis exporter le fichier et le travailler avec un outil non dopé à l'IA, mais qui permet réellement de donner libre court à son imagination. Sauf qu'on se demande, dans ce cas, quelle est la véritable plus-value de l'IA.
Générer quelques progressions d'accord harmonieux, choisir des instruments dans une liste et une rythmique en fonction d'un style, accorder une ligne de basse et une mélodie sur une progression d'accords, tout cela peut se faire avec des algorithmes à l'ancienne, en local, sur un PC, avec un logiciel acheté une bonne fois pour toute et qui n'exige pas 33€ HT par mois pour vous laisser le copyright sur votre production. Des solutions existent, au bas mot, depuis les années 2010. On attendait donc de ce logiciel dans le cloud et dopé à l'IA d'apporter un vrai plus en nous assistant dans chaque étape des travaux, de façon véritablement "intelligente".
Nous n'avons donc pas été convaincu par la façon dont l'IA est exploitée dans cet outil, d'autant que le tarif est, comme on le disait, élevé : s'il existe bien une version gratuite, celle-ci implique une licence très restrictive sur vos morceaux. Si vous voulez pouvoir en faire ce que vous voulez et en revendiquer la paternité, il faudra passer à la caisse, et pas une seule fois, mais bien tous les mois. Et même comme cela, le service impose encore ses limites : durée des morceaux limitée à 5min30, etc. Le tout étant distribué sous forme de SaaS dans le cloud, il sera bien sûr inutilisable hors connexion. Et on ne voit pas ce qui, en pratique, justifie ce choix.
On aurait adoré aimer AIVA pour son parti-pris : celui d'être un outil de composition, et pas un générateur de son préproduit basé sur un genre de moyenne de toutes les chansons écoutées par le modèle. Mais on n'a pas réussi.
Mais si malgré tout vous voulez l'essayer, c'est ici que ça se passe.